De PhaseOne IQ3T vers GFX? pas si vite !
J’avais au départ un vrai doute.
Depuis quelque temps, je me demandais sérieusement s’il ne serait pas temps de changer de système, de passer du Phase One au Fujifilm GFX.
Le GFX semblait être une solution plus moderne, plus rapide, plus flexible. L’idée était de gagner en praticité sans trop perdre en qualité. C’est dans ce contexte que j’ai eu l’opportunité de tester le GFX, prêté par mon distributeur Profot à Paris. C’était l’occasion parfaite pour faire une comparaison concrète.
J’ai donc préparé une série de photos, dans les mêmes conditions, avec quatre systèmes très différents : un Nikon Z8 avec un 24-70mm f/2.8, un Fujifilm GFX avec un 32-64mm f/4, un Phase One IQ3 Trichromatic monté sur un XF avec un Schneider Blue Ring 35mm f/3.5, et enfin, un petit Nikon Z50II équipé d’un 12-28mm DX. Les focales ne sont pas exactement identiques, mais elles sont suffisamment proches pour donner un aperçu réaliste. Ce test n’a rien de scientifique. Il est pratique, en conditions naturelles, avec la lumière du jour, sans préparation de studio. Je voulais voir ce que ces caméras délivrent vraiment, en situation de travail.
Voici donc les quatre images. À votre avis sans regarder leur titre, laquelle vient du système à plus de 40 000 euros ? Et laquelle vient du petit APS-C à moins de 1000 euros ? On revient dessus dans un instant.
On parle beaucoup de "qualité d’image". Et parfois, on la confond avec la fiche technique. Fujifilm, notamment, a réussi à imposer l’idée que son moyen format, même "croppé", serait la nouvelle référence. Mais quand on met côte à côte les images, sans logo, sans prix, sans biais… les choses deviennent intéressantes.
Le fichier du Phase One IQ3 Trichromatic se distingue nettement. C’est le seul qui propose une telle finesse dans les couleurs, une telle douceur dans les transitions tonales, une telle profondeur naturelle. Ce capteur 16 bits ne cherche pas à impressionner, il traduit la lumière avec justesse. En revanche, ce système est lourd, lent, complexe. Il est conçu pour la précision, pas pour la rapidité.
Le Fujifilm GFX, lui, offre une image très propre. Il est techniquement irréprochable. Mais dans ce test précis, face au Nikon Z8, la différence est mince. Parfois même, selon la scène ou la lumière, le Z8 me semble plus équilibré. Les tons de peau, la texture, la dynamique des hautes lumières sont parfois mieux maîtrisés. Et le GFX ne dépasse jamais vraiment le rendu du Phase One, même s’il s’en approche sur certains points.
Quant au Nikon Z50II, c’est un peu le trouble-fête. Compact, léger, économique, on s’attendrait à voir immédiatement ses limites. Et pourtant, ce qu’il produit est étonnamment bon. C’est net, c’est bien exposé, les couleurs sont justes. Ce n’est pas spectaculaire, mais c’est totalement exploitable. Pour 95 % de mes clients, cette image suffirait amplement. Et les 5 % les plus exigeants ? Ils ne s’en plaindraient pas non plus. Car ce qui compte, ce n’est pas la taille du capteur, mais l’intention, la lumière, le traitement, le regard.
Dans mon cas, j’ai en réalité deux systèmes complémentaires. Pour les projets rapides, les chantiers à petit budget, les tournages où tout va vite, j’utilise le système Nikon. Très souvent, je n’ai même pas le temps de brancher un câble pour du tethering, tout se fait à l’instinct, dans la réactivité. Et pour les projets haut de gamme, quand on me donne le temps, la confiance et les moyens, j’ai ce que j’appelle mon système VIP : le Phase One avec le dos Trichromatic, et la chambre ArcaSwiss Rm3di équipée d’optiques Rodenstock. Ce duo reste, à mon sens, ce qui se fait de plus raffiné et précis en architecture.
En vérité, le GFX se place quelque part entre le Nikon Z8 et le Phase One IQ3. Il est plus qualitatif que le Z8 mais la différence est très légère. En revanche, quand on le compare au Phase One, là, l’écart devient évident. Le Trichromatic reste nettement au-dessus.
C’est pour cette raison que je ne passerai pas au GFX. Car je sais que le Z8 — et tout son écosystème optique — couvre déjà 90 % de ce que le GFX peut offrir en qualité d’image, tout en allant bien plus loin sur tout le reste : autofocus bien plus rapide, ergonomie supérieure, vidéo bien meilleure, fiabilité, réactivité… c’est un système bien plus complet.
Donc pour moi, remplacer le Phase One par le GFX n’aurait pas de sens. Ce serait une perte nette sur le plan qualitatif, pour un gain de confort que le Z8 me procure déjà.
Et maintenant, imaginons que je parte de zéro. Disons que je ne possède qu’un petit reflex ou hybride d’entrée de gamme. Et qu’au fil des années, je progresse, je me perfectionne, et je peux enfin m’offrir un système pro. Je pourrais être tenté par le GFX, oui. C’est tentant, le mot "moyen format" a un certain prestige. Mais il faut garder en tête qu’en contexte professionnel réel, on a souvent besoin de deux boîtiers. Et dans mon cas, j’ai deux Nikon Z8. Pourquoi ? Parce que tous mes boutons sont personnalisés, et que j’ai besoin d’un accès instinctif, immédiat, à mes fonctions, sans réfléchir. Je travaille à la mémoire musculaire, en condition réelle. C’est essentiel. Et honnêtement, je me demande toujours pour qui le GFX est réellement adapté. Pour du mariage ? pas certain. Il me faut quelque chose de plus rapide, plus léger, plus agile. Pour du portrait ou de la mode en studio ? Oui, là sans hesitation. Pour du paysage ? Également. Mais pour du packshot, de l’architecture, du luxe ? Le Phase One et les chambres techniques restent intouchables. Et pour du mariage, du sport, de l’action ? Là, les systèmes 24x36 comme Canon, Sony ou Nikon s’imposent largement.
Ce test m’a rappelé une chose essentielle : ce n’est pas l’appareil qui fait la photo. C’est le photographe. C’est la lumière, le moment, le regard. Et au fond, ce sont ces choses-là qu’il faut cultiver, bien plus que la prochaine sortie boîtier.
Pour les plus curieux, vous pouvez télécharger les fichiers raw ici